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Symphonie Minérale
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2 juillet 2014

Chapitre 1.2 - Allegro con tempo di marcia - Une randonnée risquée et irresponsable

Ma première randonnée dans Grand Canyon Octobre 1990:

Ces informations données, voici comment se déroula mon premier contact avec le canyon et ses pièges.

Voilà plusieurs années lorsque nous séjournions à Grand Canyon avec ma famille, j'observais avec un mélange de crainte et d'envie les randonneurs que je voyais remonter de cet impressionnant abîme.

GCRim2RiverTrails_MAP

 

Carte des principaux trails permettant d'atteindre le Colorado ou de relier la rive Nord et la rive Sud

Le Kaibab Plateau se trouve à une altitude de 2100 à 2200 mètres sur la rive sud. Le fleuve coule d'est en ouest à une altitude de 720 mètres environ au point de jonction du Bright Angel Trail avec la rivière.

La distance à parcourir entre le sommet du trail et Phantom ranch, prés du Colorado, est de 15,4 kms pour un dénivelé total de 1400 m.

En octobre 1990, je profitais d'un voyage professionnel en Asie, pour prendre auparavant quelques jours de vacances aux USA et programmer ma randonnée.

Les conditions de randonnée dans ce parc sont très strictes. Sauf lorsqu'on couche à Phantom ranch, seul "établissement hôtelier" à l'intérieur du canyon, il est obligatoire d'obtenir un permis de randonnée, payant, auprès des autorités du parc.

Le Backcountry Office régule de façon très stricte le nombre de randonneurs autorisés par 24 heures  à séjourner et camper dans le canyon. Les lieux de camping sont impératifs, le circuit donné sur le permis est obligatoire et toute infraction est sévèrement punie par des amendes particulièrement dissuasives et la sortie du canyon du contrevenant, accompagné par le ranger qui l'a démasqué.

Le parc est régulièrement inspecté chaque jour par des escouades de rangers soit venant du rim, à pied ou à cheval, soit de la rivière même, en raft.

L'avantage de ce système est le maintien d'un environnement parfaitement vierge en particulier sur les chemins non entretenus et plus difficiles du canyon. Il arrive à certains endroits que l'on ne rencontre que deux ou trois randonneurs par jour.....On est trés loin de la saturation observée au Mont Blanc et de la dévastation en termes écologiques qui en résulte!

L'obtention d'un permis se fait plusieurs mois à l'avance. Voir à se sujet le chapitre intitulé "Postlude"

Pour ne pas avoir de problème de permis de randonnée,  je réservai lit, dîner et petit déjeuner à Phantom ranch.

Première erreur, peu sportif (à l'époque) et encore moins sportif en chambre comme certains qui pensent que regarder des matches à la télévision en tient lieu, c'est sans aucune préparation physique que j'entamais mon voyage.
Deuxième erreur, arrivé à Las Vegas en début de soirée après 14 h de vol et 9 heures de décalage horaire, je ne résistais pas à l'envie d'assister à un spectacle dans l'un des hôtels du Strip. Ce n'était pas très raisonnable mais enfin on ne vit qu'une fois! 
Il était prés de minuit quand je rejoignais ma chambre; il me restait à préparer mon sac à dos et ma caméra double super 8 de 3 kg. Je dormis jusque vers 4 h du matin, me faisais monter un petit déjeuner et enfin prenais la route vers grand canyon. 400 kms à parcourir pour faire en sorte d'arriver au plus tard à midi.

La route menant de Las Vegas à l’autoroute qui a remplacé la célèbre Route 66 est d’une terrible monotonie. Plus de 100 kms sans le moindre tournant. A droite comme à gauche le désert gris blanc s’étend à perte de vue. Sur sa gauche on a les contreforts de Grand Canyon. Le rêve pour s’endormir au volant quand on a dormi moins de 5 heures et pas encore absorbé le décalage horaire ! «Claude à quoi penses-tu quand tu prends la décision de t’embarquer dans pareille aventure !? »

J’arrive enfin au bout de ce trajet, à Grand Canyon village. Je dois retirer ma réservation pour Phantom Ranch au Grand Canyon Village Lodge. Il était géré par la société Fred Harvey et ses Harvey girls. Ca des Harvey girls ? Ces nanas boudinées ? Eh bien ! Il en avait de l’imagination le réalisateur du film du même nom avec Judy Garland dans le rôle principal.

Cela dit, elles sont fort aimables, ces Jocondes made in USA. On me donne de la documentation et des conseils. "Pensez donc si je vais lire toute cette paperasse, je suis Français, ma bonne dame, je sais tout ça!"

Troisième erreur, à 13 heures, en plein soleil, j'entamais la descente dans le gouffre. J'allais affronter une pente moyenne de 10,7%! A certains endroits évidemment on serait largement au dessus de ce chiffre. Rétrospectivement je me dis que j'ai eu énormément de chance de ne pas avoir un sérieux accident de santé, en particulier pendant la remontée.

Bright Angel Trail départ

Bright Angel Trail du sommet jusqu’à l’arrivée à Indians Garden 

Quatrième erreur, pour accentuer la fatigue que j'allais éprouver, je fis la bêtise de faire la descente en baskets. J'allais m'en repentir amèrement.

Qui plus est, cinquième erreur, sachant que ce chemin « de grande randonnée » disposait de ressources en eau potable tous les trois ou quatre kilomètres, je ne me chargeais pas de la réserve en eau nécessaire au cas où le point d’eau prévu serait en panne, ce qui est plus fréquent bien évidemment à la fin de l’hiver. Pourtant le panneau à l’entrée du chemin est des plus explicites:

« Vous entrez dans une zone sauvage, munissez vous de nourriture et d’au moins 4 litres d’eau par jour et par personne!»…Toujours excessifs ces Américains !!!!

Ah oui, j'allais oublier! Pour être le parfait petit randonneur à la japonaise, je tenais de la main droite ma caméra et autour du cou mon appareil de photo Minolta. Et bien sur accroché à mon dos, mon sac à dos avec…un peu d’eau!!! De nourriture revigorante point, j'aurais bien le temps en arrivant en bas de me sustenter!Ben voyons!!!!

Je n’avais pas évidemment oublié d’y mettre mes objectifs supplémentaires et un bon nombre de rouleaux de pellicule photographique et cinématographique, tout cela venant s’ajouter en termes de poids bien conséquents!

Prévoir, toujours prévoir, j’avais en effet tout prévu, sauf l’eau en quantité suffisante et l’état du chemin et de la pente exigeant un bien autre équipement que celui que j’arborais. A plusieurs reprises d’ailleurs je manquais de m’étaler de tout mon long sur le sol glissant.
La descente en fin de compte me parue facile malgré tout et au bout de 3 heures, j'atteignais le Colorado qui partage en deux, transversalement, le canyon.

Muscles chauffés je ne me rendais pas encore compte des dégâts accumulés…

Surprise…Surprise…Tout arrive en son temps à qui sait attendre!

Le spectacle qui s'offrit à mes yeux à la jonction du Bright Angel Trail et du Colorado, dépassait en beauté tout ce que j'avais pu imaginer ou voir dans le documentaire réalisé en IMAX et projeté à Tusayan à l’entrée du parc. En relisant ces lignes comme chaque fois que j'arrive en ce lieu, je suis pris d'une émotion sans bornes. Sensiblerie me dira-t-on? Et pourquoi pas? Pourquoi avoir honte de dire que la nature vierge, superbe, majestueuse, déchaîne en soi des émotions hors du commun? C'est au contraire montrer qu'on a quelque chose dans le ventre. Qu'on n'est pas indifférent à ce qui nous dépasse. Un de mes amis ranger dit dans un de ses livres que l'on ne sort pas indemne psychiquement de Grand Canyon. Il a parfaitement raison et j'allais en faire l'expérience à bien des égards. Je n'ai pas peur de dire que cette randonnée et les suivantes ont profondément modifié ma vie sous bien des aspects.

vuesommetrim_1

Le Canyon vu du sommet de la rive sud, au départ du Bright Angel Trail

La falaise de schiste noir, (enfin je sais aujourd’hui que c’est du schiste !), en face de moi, striée par les différentes variétés de grès rouge, prenait à la lumière rasante du soleil couchant, au travers de la gorge, des couleurs passant du violet au rouge sang avec des éclats or par endroits.

Bright Angel Trail 2e partie

Bright Angel Trail d’Indians Garden au Silver Bridge 

J'en avais littéralement le souffle coupé! Le fleuve charriait une eau couleur chocolat de tous les débris arrachés sur son passage au cours des 150 kms qu'il avait déjà parcourus en amont.

Jonction du Britght Angel Trail et du River trail menant au Silver Bridge et Phantom Ranch au coucher du soleil

arrivee au bord du colorado

Je ne pouvais rester trop longtemps dans ma contemplation, car j'avais encore 3 kms à parcourir jusqu'au ranch, je commençais à sentir la fatigue et je rêvais d'une bonne douche avant le repas. Et puis je sentais comme un échauffement, une brûlure au bout de mes pieds. Le repas avait lieu à 17 h et le centre de réservation m'avait bien mis en garde de ne pas être en retard. Même au fonds du canyon les horaires américains sont intangibles! Quels rigoristes ces Américains !
Je reprenais ma route le long du fleuve lorsque je me trouvai face à une étendue de sable d'environ 300 mètres. C'est sans doute la partie la plus pénible de la randonnée à l'aller. On arrive ici exténué, les jambes vous portent à peine, et l'on doit patauger dans cette sorte de semoule fine comme du sel, en risquant à tout moment de se tordre la cheville et de se faire une entorse. Avec mes baskets le risque était accru. Avec tout mon équipement je devais avoir fière allure!
J'arrivai vers 16 h 50 au ranch, me faisais enregistrer et donner l'emplacement de ma couchette dans le dortoir des hommes, prenais rapidement une douche et découvrais que je m'étais fait de belles ampoules. C’était donc cela la cause de l’échauffement au bout de mes pieds! Dans le fonds ce n’est pas grave et après une bonne nuit de sommeil il n’y paraîtra plus. Ben voyons! Quel optimisme!
Le dîner, comme toujours aux USA, était très copieux et l'ambiance très sympathique; gens de toutes origines, fous de randonnée pour la plupart et autrement mieux équipés que je ne l'étais.

La conversation s’engagea sans formalités ni complexes et bien sûr le frenchy fit sensation à coups de « My God » et  « You don’t say » ( «ben si je le dis ! ») et autres interjections, admirant le trajet que j’avais fait pour venir ici depuis « the beautiful Paris »
Mort de fatigue, j'allais me coucher après avoir soigné tant bien que mal mes pauvres pieds; j'avais acheté également à la boutique de Phantom Ranch une crème sensée atténuer les courbatures inévitables de ce genre de randonnée. Le petit déjeuner était servi à 4 h 30 du matin pour les randonneurs ne séjournant dans le canyon que 24 h.

A mon réveil à 4 h, ce fut l'horreur absolue. Il me fallut bien un quart d'heure pour réussir à dégripper mes jambes tétanisées par les courbatures. Il fallut d’abord que je réussisse à m’asseoir sur ma couchette et qu’ensuite je déplie une par une mes pauvres articulations grippées à souhait. Une douche réussit à remettre un peu de souplesse dans mes membres endoloris, puis la crème miracle donna l’illusion d’un retour à la normale. Cela présageait une remontée particulièrement pénible pour ne pas dire douloureuse.
Le petit déjeuner me redonna quelques forces et sans tarder pour être le plus possible à l'ombre dans la remontée, je pris le chemin du retour.

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Vue de Chéops pyramid au levé de soleil.
En principe le temps de remontée est estimé au double de celui de la descente. J'aurais dû mettre au maximum environ 6 à 7 heures, pour atteindre le sommet.

Au fur et à mesure que j’avançais dans la montée les crampes et douleurs ne faisaient que s'accroître. Les arrêts se multipliaient également ralentissant bien entendu ma progression vers la sortie.

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Encore tout ça à grimper!!!! Que diable suis-allé faire dans cette galère?! 7.5 kms et 1000 m de montée! Il est midi!

Les ampoules se faisaient également de plus en plus sentir.

Je mis près de 12 heures et arrivais exténué vers 17h au bout du chemin. Une dernière épreuve m'attendait celle de monter l'escalier et de faire les 50 mètres me séparant de ma voiture.
Il me fallut montre en main ¼ d'heure! J'en étais réduit à une sorte de pas glissé pour avancer tant bien que mal. Ma candidature pour intégrer le régiment des Horse Guards  eut été sans doute acceptée!
Pour le retour j'avais prévu de dormir à Toroweap overlook qui se situe à mi-parcours sur la rive nord du Canyon. J’ajoutais ainsi près de 200 kms supplémentaires à mon parcours déjà fort long qui devait me ramener à Las Vegas en passant par la rive nord.

J'arrivais fort tard dans la nuit au camping rudimentaire et m'installait à l'arrière du 4X4 pour dormir. Sommeil perturbé par une douleur lancinante au gros orteil du pied gauche.
Je me réveillais à l'aurore, sortais de mon abri et allais vers le bord du Canyon.

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Toroweap (ou Tuweep) overlook vers midi.

Le spectacle était grandiose et défiait l'imagination. En face de moi, à environ 200 mètres, se trouvait la rive sud. Entre les deux, un vide de 1000 mètres de hauteur! Et le Colorado au fonds paraissant large de quelques centimètres. On avait une vue à 180° du parcours du fleuve sur environ 7 ou 8 kms; à ma droite au loin l'écume blanche du dernier grand rapide que traversent les rafts à l'issue de leur parcours de près de 300 kms depuis le départ de Lee's ferry. 

toroweapcouleelave_1

Vue de Toroweap overlook vers Lava Falls. On aperçoit sur la droite les restes de la coulée de lave qui obstrua le canyon. Lava Falls rapid est situé sur la tache blanche en V sur le fleuve. (Photo de l'auteur)

Ce rapide s'appelle Lava Falls; son dénivelé est de l'ordre de 7,50 mètres sur une distance de 400 mètres ; apparemment ceci n'est pas très pentu. En réalité le rapide se divise en deux, un premier rapide d'une hauteur de 4 m suivi d'un second, moins de 400 mètres en aval, de 3,60 mètres de haut. En quelque sorte on fait un saut d'un immeuble de trois étages! A cela s'ajoute le fait que l'endroit est tapissé de rochers de basalte.

Il faut savoir que sur la rive nord se trouve un volcan éteint qui lors de son éruption, il y a environ 800000 ans, a créé un barrage naturel de laves en fusion dans le canyon qui a été progressivement érodé par la force du courant. Ce sont les rochers restants qui créent le rapide. Ce rapide est coté 10+ sur l'échelle de 1 à 10 utilisée par les rafteurs américains. Avant d'entrer dans le rapide ceux ci ont coutume de toucher un rocher de lave sur le bord du fleuve qui s'appelle l'enclume de Vulcain. Il paraît que cela porte chance pour le passage de la véritable lessiveuse qu'est Lava Falls.

Je préparais mon petit déjeuner et m'installais sur un rocher à contempler le lever du soleil sur ce site grandiose, la gorge serrée par l'émotion.

Il fallait hélas retourner à la civilisation. J'avais 100 kms de piste en terre battue à couvrir pour rejoindre la nationale et environ 300 kms jusqu'à Las Vegas. En cours de route je m'arrêtais dans un motel pour me reposer et prendre une douche réparatrice, d'autant que 22 heures de vol m'attendaient ce soir là.

Je prenais en effet l’avion à Los Angeles pour Taipei où je participais à un congrès. L’avion fit escale à Honolulu et je ne descendais pas comme les autres passagers. Mon pied me faisait horriblement mal. Le steward s’en aperçut et me demanda ce qui n’allait pas. Informé il me donna un puissant antalgique, me faisant promettre de voir un médecin à destination. Je dormis comme un loir pendant les 13 heures de vol et arrivé à l’hôtel, je faisais monter un médecin. Celui-ci ne parlait ni l’anglais ni le français et moi pas un mot de chinois ! Un dialogue gestuel s’engagea entre nous sans doute efficace puisque la médication prescrite mis rapidement fin au panaris mais il me fallu plus de quinze jours pour retrouver la mobilité complète de mes jambes.

Malgré cette fâcheuse aventure qui me valu les plaisanteries de mon entourage, j'éprouvais une sorte de jubilation d'avoir fait cette première descente. Je me jurais de revenir autrement mieux préparé pour savourer pleinement ce décor sans égal.

Je n'ai pas manqué à ma parole!

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