Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Symphonie Minérale
Symphonie Minérale
Visiteurs
Depuis la création 6 788
COPYRIGHT
  • L’ouvrage ci-joint est la propriété exclusive de FroggyAtGCN son auteur. Toutes reproductions totales ou partielles du texte et des documents et photos qui en font partie est strictement interdite sous quelques formes ou quelques supports que ce soit, aussi bien  pour un usage gratuit que commercial.

    Tout contrevenant s’expose à des poursuites judiciaires de la part de l’auteur, de ses ayants droits et des propriétaires connexes des documents figurant dans cet ouvrage tant en France qu’à l’Etranger. 


    This blog belongs exclusively to FroggyAtGCN its author. Any total or partial reproductions of its contents, text, pictures or videos is strictly forbidden whatever the media used either for commercial or free of charge purposes.


    Any breaches of these will subject the offender to legal pursuits from the author or the eligible partners or owners of the documents included in this work in France or abroad.

21 octobre 2014

Chapitre 7-Adagio Cantabile - Paria Canyon Trail et autres Slot Canyons

Paria Slot Canyon  

Dans le chapitre précédent  j’ai quelque peu malmené Frank. Tout n’est évidemment pas négatif chez cet homme.

Je lui dois en particulier de m’avoir fait découvrir un autre type de Canyon que ceux décrits jusqu’ici.

Une de mes randonnées les plus spectaculaires de la période 1991-2002, fut celle que je fis avec lui en 1993, dans Paria Canyon.

Première mise en garde, cette région l'été est sujette à des flash floods dont il ne faut pas minimiser la violence comme en témoigne la vidéo ci-dessous prise au dessus d'Antelope canyon qui coûta la vie à 11 Français en 1997:

Lower Antelope Canyon Flood Page, Arizona

Avant de détailler la randonnée dans Paria Canyon, il convient de situer ce site par rapport à Grand Canyon et de comprendre comment on s’y rend. On excusera les quelques écarts par rapport au sujet principal qui me paraissent cependant utiles pour comprendre l’intérêt de l’ensemble du site et de ses environs immédiats.

En quittant Grand Canyon National Park il faut se rendre vers la sortie est du parc près de Desert View. On accède ainsi à la route 64 qui mène à Cameron (Arizona). (cf. carte ci-dessous). Arrivé à Cameron on arrive au croisement avec la route 89 qui se poursuit jusqu’à Page en Utah lieu où a été construit le barrage controversé de Glen Canyon. 

vermilion cliffs national monument 

Carte générale des Vermilion Cliffs National Monument

vermilioncliffsnationalmonumentrecadre 

Carte détaillée montrant en vert la route menant aux entrées principales nord de Paria Canyon

La route longe tout d’abord sur sa droite un désert sauvage et coloré qui lui a valu le nom de Painted Desert. En effet les différents minéraux contenus dans les sédiments constituants les dunes fossilisées donnent des couleurs extraordinaires à ce paysage sur plusieurs dizaines de kilomètres.

Peu avant d’arriver à Willow Springs, on croise sur sa droite la route 160 qui mène à Monument Valley qui fut immortalisée au cinéma par le chef d’œuvre de John Ford, « La chevauchée fantastique» et est toujours un lieu de tournage de westerns. Le site est devenu National Monument et est administré par la tribu Navajo. Le lodge où l’équipe du réalisateur s’installa existe toujours et s’appelle le Goulding Lodge. Propriété de Mike (surnom de Mme Harry Goulding) et Harry Goulding, ils firent venir John Ford et le déterminèrent à tourner son film ici. Un point de vue du parc est nommé John Ford Point où fut tournée « La prisonnière du desert » un autre des grands succès du réalisateur.

Continuant toujours sur la nationale 89, on arrive à un croisement qui à droite mène à Page et de l’autre, droit devant soi, devient la nationale 89A menant à Navajo Bridge, le seul pont permettant de passer sur la rive nord de Grand Canyon.  Nous sommes à Bitter springs. La route menant à Page monte progressivement et devant soi l’on a la chaîne des ECHO CLIFFS. Avant de traverser la chaîne garez-vous sur le parking sur votre gauche et contemplez à vos pieds le plateau de Grand Canyon. Sur votre droite au-delà de la crevasse bien visible du Colorado qui zigzague dans Marble Canyon, se trouve un autre massif montagneux de plus de 900 mètres de haut, les Vermilion Cliffs. Elles marquent la frontière naturelle entre l’Utah et l’Arizona. Au loin devant vous, vous devinerez les contreforts de Saddle Mountain qui supporte le Kaibab Plateau, rive nord de Grand Canyon National Park et la Kaibab National Forest.

Le décor ainsi planté, poursuivons notre route sur la 89A en direction du Colorado et des Vermilion Cliffs qui grandissent progressivement à nos yeux.

Les Vermilion Cliffs sont l’extrémité sud du Paria Plateau. Il est constitué de grès multicolores alternant avec des couches de schistes argileux que l’érosion ne cesse de façonner et découper. La rivière principale qui traverse ce massif est la Paria. Elle est longue de 121 kms et a creusé dans le Paria Plateau un canyon de près de 750 mètres de profondeur. La Paria river se jette dans le Colorado près de Lees ferry dont nous avons déjà parlé.

L’ensemble du plateau des Vermilion Cliffs a été érigé en 2000 en National Monument. Il occupe une surface de près de 119000ha; Il est avec Paria Canyon et d’autres failles annexes, le lieu privilégié pour y parcourir des canyons dangereux par mauvais temps, les Slot Canyons, appelés ainsi du fait de leur étroitesse qui les fait ressembler aux fentes des machines à sous dans lesquelles on glisse les jetons dans les casinos de Las Vegas.

Enfin au Nord Ouest du monument se trouve un autre site naturel qui mérite le détour, c’est celui de Coyotte Buttes dont les couches successives de grès présentent des couleurs irréelles jaune, orange, rose et rouge dues aux infiltrations de manganèse, fer et autres oxydes. De fines couches de calcaire créent des structures venant s’ajouter à ce spectacle saisissant.

La faune et la flore de ce site elles aussi méritent d’être analysées. Grace au faible passage de l’homme dans cette région de nombreuses structures biologiques s’y sont préservées. Le froid et le chaud ont permis d’y faire cohabiter une végétation acclimatée aux extrêmes chaleurs de l’été et au froid non moins intense de l’hiver. Le site renferme entre autre une espèce rare et menacée, l’ASCLEPIADE WELSHII, plante à jus laiteux incluse dans les espèces protégées de l’Etat Fédéral.

Cette plante que l’on ne trouve qu’en Arizona et en Utah contribue à stabiliser les dunes de sable de la région. Malheureusement dès que d’autres plantes s’installent dans ses parages,  elle se trouve littéralement rejetée par ces nouveaux occupants.

On a également recensé plus de 20 types de rapaces, ainsi qu’un grand nombre de reptiles et d’amphibiens. On y a réintroduit comme à Grand canyon des Condors et on trouve également des couguars et autres animaux sauvages plus ou moins dangereux. Enfin on trouve dans les eaux de la rivière, le flannelmouth sucker et des Vandoises variétés de poissons d’eau douce très sensibles aux variations de températures  et que la présence des barrages et l’abaissement de la température de l’eau mettent en danger.

Enfin la présence de l’homme dans la région y a été observée depuis 12000 ans. 

asclwels

 

 L’ASCLEPIADE WELSHII

Pour accéder à Paria Canyon on doit prendre la route 89 en direction du nord, au départ de Page (voir carte ci-dessus trajet en vert).

Page est en Arizona; cette ville fut construite de toutes pièces à la fin des années cinquante lors de la construction du barrage de Glen Canyon et de son lac alors le plus grand du monde, et qui est la cause encore aujourd'hui de perturbations environnementales de première grandeur. En traversant le barrage  la route nous fait entrer en Utah quelques kilomètres plus loin.

Après un trajet de 55 kms environ, la nationale aborde un large tournant vers la droite au pied d'une nouvelle falaise rocheuse. C'est là qu'on doit la quitter en prenant sur sa gauche la presque invisible piste en terre battue, la House Rock Valley Road qui mène à Buckskin Trailhead au bout de 7 kms et à Wire Pass Trailhead  6 kms plus loin. Avant de rejoindre l'un de ces deux points de départ de randonnées, on aura eu soin de s'arrêter à la Paria river Contact Station, environ 5 kms avant la bifurcation entre la nationale 89 et la piste menant à Buckskin Trailhead.

L'engouement croissant pour la randonnée dans cet extraordinaire canyon et les risques importants encourus par les randonneurs en cas de mauvais temps, ont obligé les autorités à mettre en place un système de permis de randonnées comme à Grand Canyon. N'attendez pas le dernier moment car le nombre de campeurs par 24h est limité à 20, pas un de plus pas un de moins!

Le nombre de randonneurs est strictement limité et on est obligé de se présenter au départ ET au retour pour s'enregistrer et témoigner d'une sortie saine et sauve de ce lieu aussi magique que sauvage. En principe le ranger de service peut vous donner les dernières informations sur l’état des différents chemins d’accès. Je dis en principe car en 2007  j’eus quelques surprises non prévues qui m’obligèrent à rebrousser chemin.

Les mesures prises par les autorités vont très au delà de ce qui est fait à Grand Canyon. Ainsi les randonneurs en particulier ceux qui vont découvrir Coyotte Buttes doivent se munir d'un container étanche pour ramener leurs excréments hors du site et ainsi ne pas le polluer. La vidéo ci-dessous donne non seulement une idée de la beauté époustouflante des lieux mais détaillent les obligations des visiteurs.

Paria Canyon/Vermilion Cliffs Wilderness - A Lasting Legacy

Cette vidéo n'existe pas à ma connaissance en version française. De toutes façons les conditions d'accès sont non seulement données lors de l'arrivée au site pour récupérer son permis, mais très certainement font l'objet de documents accessibles sur le site du BLM ci-après: 

http://www.blm.gov/az/st/en/arolrsmain/paria/trails.html

Buckskin gulch trailhead.pariaentreetrail

Ce check point est aussi le 3eme point d'entrée dans le canyon appelé White House trailhead. D'ici au Colorado la distance à parcourir est de 76 kms. Ce trail emprunte le lit de la Paria river proprement dit. Il constitue la seule source d'eau filtrable et buvable du bassin. Utiliser des capsules décontaminantes ne suffit pas pour récupérer de l’eau potable car ici non seulement les animaux et les sels des roches polluent l’eau mais également les éventuels cadavres d’animaux emportés par le courant en cas de flash flood.

De Wire Pass à la confluence avec Buckskin Gulch il y a 2.7 kms. Il est possible de faire dans la journée la jonction entre l'upper Buckskin Gulch qui part du Buckskin Gulch trailhead au Wire Pass Trailhead distants l'un de l'autre d'un peu plus de 9kms.Il est recommandé de commencer pour cela par le Wire Pass en se munissant d'une bonne réserve d'eau car sur ce parcours IL N'Y A AUCUNE SOURCE D'EAU POTABLE OU FILTRABLE. Par ailleurs il existe souvent à quelques endroits du Wire Pass des ressauts à franchir dont la hauteur est variable, ils résultent d'éboulement ou de rochers entrainés par le courant des flash floods et qui seraient infranchissables dans l'autre sens sans un équipement adéquat. De toutes façons avant d'entamer cette excursion se renseigner sur les conditions du trajet auprès des rangers de White House Ranger Station. C'est une précautio indispensable. 

paria3

 Confluence de Buckskin Gulch que l'on voit devant soi dans l'ombre et du Wire Pass

De Buckskin Gulch trailhead à la confluence avec le Wire Pass il y a 7.24 kms 

De cette confluence avec celle de la Paria river il y a 19 kms. Enfin le trajet entre l'entrée du Wire Pass et celle de White House est de 33.8 kms. De l'entrée de Buckskin Gulch jusqu'à White house il y a 37kms.

La vidéo à la fin de ce chapitre montre dans sa partie essentielle ce trajet de 37kms. A 6'44" une courte séquence filmée en 2007 dans le Wire Pass; j'ai arrété de filmé à 7'35" ayant à franchir un ressaut d'un rocher qui me barrait la route. Ensuite l'arrivée au trailhead était d'un intérèt moindre.

On l'aura compris, l'ensemble du système de chemins de randonnées forme un grand Y composé d’un Y principal par Buckskin Gulch et le White house trail, la branche gauche du Y principal, se dédouble en un Y plus petit avec le Wire Pass à droite et la poursuite du lower Buckskin Gulch trail à sa gauche. 

Le Wire Pass porte bien son nom: c'est un canyon dont la largeur ne dépasse pas les 2 mètres sur tout son trajet. Régulièrement envahi par les eaux qui dévalent à plusieurs centaines de mètres cubes par seconde lors des orages, de nombreux obstacles rocheux viennent bloquer le chemin et forment des ressauts de plusieurs mètres ; il est tout à fait recommandé de ne pas emprunter ce passage en cas de mauvais temps et de manière générale en été. Il convient de s'équiper d'une corde pour le cas échéant descendre en rappel certains ressauts, de ne pas s'aventurer en solitaire dans ce passage dangereux. Il est enfin déconseillé de remonter le Wire Pass depuis Buckskin Gulch, car alors la remontée des ressauts est encore plus problématique que leur descente. 

En 1993 Franck et moi, avions décidé de descendre le long de Buckskin Gulch en 4 journées et de prendre le chemin du retour vers White House trailhead une fois arrivés à la confluence avec Buckskin Gulch. 

La lenteur de notre déplacement s'explique par la difficulté du terrain rencontré, en particulier les 3 premiers jours. Nous avons campé deux nuits dans Buckskin gulch et une nuit à mi chemin de la confluence et de White House.

Au départ, le chemin serpente sur le lit du gulch relativement évasé. Nous étions en octobre 1993 et les traces des flash flood de l'été précédent, étaient bien visibles tant sur les berges encombrées de troncs d'arbres et débris de toutes sortes, que par l'aspect craquelé de la boue déposée par le courant et totalement desséchée par le soleil estival. Même en ce mois d'octobre les 3 premiers kms furent pénibles du fait de la chaleur et du manque d'ombre à cet endroit. Par contre le paysage autour de nous prenait une allure fantastique avec ses pyramides rhomboïdales de grés rouge orangé souvent striées tels d'immenses échiquiers.

paria1L’une des formations s’appelle « Checker board Mesa » littéralement « L’échiquier ».Mais progressivement la largeur du canyon commença à diminuer pour n'atteindre que 2 ou 3 mètres. Nous étions encadrés par des falaises de 50 à 100 mètres de hauteur et le soleil, se frayant un chemin en ricochant sur les rochers nous baignaient dans une atmosphère rouge violacée au fur et à mesure de l'avancement de la journée. Nous nous arrêtâmes plusieurs fois pour boire et nous redonner des forces. C'est vers les 14h de l'après midi que nous atteignîmes la confluence avec le Wire Pass.

Nous avions encore 3 ou 4 kms à parcourir pour atteindre notre premier lieu de campement à mi parcours de Buckskin Gulch. Cet endroit présente entre autres deux avantages; d'une part les berges sont surélevées par rapport au lit de la rivière et sont rarement inondées en cas de flash flood, d'autre part il existe un sentier rudimentaire, sortie de secours naturelle en cas de mauvais temps, le seul sur toute la longueur du canyon! Une fois engagé dans la seconde partie tout espoir de sortir vivant doit être abandonné en cas de brusque montée des eaux. 

escapeEn cas de Flash flood, voici à droite la sortie de secours, enfin si vous arrivez à l'atteindre avant que la vague ne vous atteigne....!!!

Sur la photo ci-contre on peut voir en contrebas du rocher du premier plan à droite, le petit plateau en vert où nous nous installâmes pour la nuit dormant à la belle étoile.Les 3 kms  que nous allions parcourir à la lueur du soleil couchant allaient nous donner déjà un aperçu de ce qui nous attendrait après. Déplacement fatigant sur les galets qui recouvrent le sol du cours d'eau, étroitesse croissante du canyon, rares visions du ciel du fond de ce canyon, lumière diffuse et multicolore.

Le silence du lieu était simplement perturbé par le bruit de nos pas crissant sur la caillasse et par nos exclamations devant la beauté surnaturelle de notre environnement. De ci de là suspendue entre les parois du canyon, des troncs d'arbres de plusieurs dizaines de kg tenaient en équilibre instable au dessus de nos têtes à quelques 20 ou 30 mètres, marquant le niveau qu'avait atteint l'eau de la rivière lors des inondations précédentes.

paria4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Troncs d'arbres coincés entre les parois.

Peu avant d'arriver à notre premier campement on croisa plusieurs phénomènes dus à l'érosion. Nous nous trouvâmes d'abord face à un mur de rocher découpé de telle sorte qu'il faisait penser à l'une des statues géantes du temple d'Abu Simbel en haute Egypte. A peu près au même endroit sur sa droite on pouvait observer une grotte découpée dans la falaise par le vent et le gel et entourée tout autour de fossiles marins.

L'une des deux grottes géantes avant d'arriver au point de non retour de Buckskin Gulch. Franck au centre de la photo donne l’échelle. Il mesure environ 1m70.

 

miniparia9

 

Les Indiens ont aussi laissé des traces de leur passage en dessinant de nombreux pétroglyphes qui à ce jour restent toujours un mystère pour les archéologues et les linguistes.

Enfin en arrivant à quelques dizaines de mètres du campement deux gigantesques grottes, elles aussi résultats du travail incessant du temps, de la glace, du vent et de l'eau, servent de point de repère au randonneur heureux d'avoir atteint le but de sa première étape.

Il est encore possible ici de rebrousser chemin et de retourner sur ses pas vers la sortie du canyon au cas où n'ayant pas obtenu de permis, on souhaite néanmoins avoir une première idée de ce qu'est Paria Canyon. Dans ce cas il faut bien entendu avoir commencé sa randonnée aux premières heures du jour. C'est un excellent compromis qui apporte déjà son lot d'émotions en tous genres.

Nous installâmes notre campement sur la rive gauche du lit de la rivière bien au-dessus du talus. Il faisait un temps splendide et la façade prenait au fur et à mesure du coucher du soleil des couleurs de sang virant progressivement au violet avant de se noyer dans le néant de la nuit. Nous dormîmes à la belle étoile une fois terminé notre dîner.

Au dessus de nos têtes un ciel d'encre parsemé d'étoiles fit progressivement place à la lumière fantasmagorique jetée par la pleine lune sur notre environnement minéral. La pureté de l'air était telle, que l'on pouvait distinguer nettement les hublots éclairés des avions de ligne abordant ici leur descente vers l'aéroport de Las Vegas. La voie lactée apparait dans toute sa splendeur dans ce ciel dépourvu de toute pollution.

Vers les deux heures du matin, Franck et moi fûmes réveillés en sursaut par des éclairs. Je restais silencieux quelques minutes, le cœur battant épiant le moindre bruit de tonnerre. Rien, le silence absolu. Demandant à Franck ce que nous devions faire, il me répondit laconiquement « If this is to be the day, let it be ! Good night ! », et il se rendormit aussitôt! (« Si ce doit être le jour, qu'il en soit ainsi, bonne nuit ! »). J'admirais ce fatalisme que malheureusement je ne partageais guère ! Ce n'est que plusieurs minutes plus tard, que vaincu par la fatigue et le sommeil, je replongeais dans les bras de Morphée.

Je me réveillais vers les 5h du matin, bien vivant. Du fonds de mon sac de couchage, devant moi la falaise ouest recevait les premiers rayons du soleil sous un ciel radieux. Des canyons Wren entamaient leur long dialogue en écho dans la gorge.

Franck prépara notre habituel petit déjeuner de randonneur : mélange parfaitement dosé de porridge au miel et noisettes, raisins secs et tasse de thé brûlant.

Franck préparant notre petitdéjeuner

paria10

Une fois nos affaires rangées dans nos sacs à dos, nous reprîmes notre marche.

Très vite la largeur du canyon se réduisit à quelques mètres et même à moins d'un mètre. 

Dans un long couloir l'étroitesse du lieu est telle que l'on doit avancer de biais pour ne pas être coincé entre les deux falaises par son sac à dos, la lumière diminue progressivement et arrivé au bout de ce goulot, on est plongé quasiment dans l'obscurité. Le chemin fait alors un angle a 90° sur la gauche et on se trouve quelques pas plus loin devant le LOG JAM. Coincé dans un entonnoir de rochers quelque 15 mètres au dessus de nos têtes, un amoncellement de troncs d'arbres tient en équilibre instable prêt à s'effondrer à chaque instant sur le randonneur qui n’a aucune alternative et doit  passer en dessous. Sur le sol des morceaux de branches attestent du réel danger auquel on est exposé pendant les quelques minutes nécessaires pour se retrouver en sécurité de l'autre côté de cet obstacle. 

paria7

 

Le log jam!

Un peu plus loin, c'est un tronc d'arbre placé en travers de notre route qui a entraîné l'affaissement du chemin. Que faire? Jouer au funambule et passer sur le tronc pour retrouver la terre ferme ou descendre le sac à dos en contrebas de l'autre coté du tronc et ramper sous ce dernier en espérant ne pas le recevoir sur la tête ! Nous optâmes pour cette seconde solution en priant l'ange gardien des randonneurs pour un passage sain et sauf.

Tandis que je regardais la structure des roches quelques centaines de mètres plus loin, un mouvement anormal accompagné d'un froissement le long de mon pantalon imperméable, me fit regarder à mes pieds. C'est les yeux écarquillés et le cœur battant la chamade que je vis un long serpent verdâtre se glisser entre mes jambes et se perdre dans l'ombre. Eh oui nous n'étions pas seuls en ce lieu magique ! Dieu merci ce serpent n’est pas de l’espèce venimeuse des serpents à sonnette.

Il n'est pas le seul habitant de ces lieux; ainsi sur ce site aux photos magnifiques vous pourrez voir la rencontre d'un randonneur avec un petit renard qui venait de réchapper à la noyade dans une des flaques d'eau. Les roches sont polies par la force tourbillonnante des eaux furieuses qui déboulent dans le canyon. Elles prennent alors l'apparence d'une peau de chamois multicolore allant du noir à l'or le plus éclatant. C’est cette apparence des roches qui donne son nom à cette partie du canyon. Les couleurs elles-mêmes sont magnifiées par la lumière indirecte et rasante qui tombe du haut des falaises masquant le ciel. On a dû encore descendre de plusieurs dizaines de mètres dans les profondeurs de ce canyon.

Paria canyon présente deux dangers supplémentaires surtout à l'automne. Le froid dû au peu d’ensoleillement du fait de l'étroitesse de la gorge. Les risques d'hypothermie sont réels et un équipement chaud est indispensable. On met des couches protectrices superposées ce qui permet de se protéger du froid mais aussi de les retirer par tranche successives quand on a trop chaud.

L'autre danger est constitué par les CESSPOOLS. En effet l'eau à certains endroits n'a pas le temps de s'évaporer pendant la saison sèche, après les périodes de fortes pluies d'été. Il se crée alors des piscines naturelles qui peuvent atteindre plusieurs mètres de profondeur. On doit alors avancer avec prudence, voire nager en tenant au dessus de sa tête son sac à dos. Une combinaison imperméable n'est donc pas un luxe. L'eau ne présente pas un attrait majeur. Des rongeurs sont venus y terminer leur courte vie. Des serpents également.

 

paria11

 

L’auteur traversant un cesspool avec de l'eau glacée jusqu'à la taille! BRRRRR....

A d'autres endroits l’humidité constante et la non évaporation de l'eau ont créé de véritables sables mouvants où il vaut mieux ne pas s'aventurer. On n'y risque pas de finir ses jours, mais on peut s’y enfoncer jusqu'aux genoux avec un risque non négligeable une fois extirpé de cet horrible mélange gluant et visqueux de se retrouver sans chaussures sans aucun espoir de les retrouver, ou avec l'obligation de trouver un point d'eau rarissime, pour opérer un nettoyage à fond !

Vers les17 heures nous débouchâmes dans une immense salle dont le plafond s'était effondré en énormes blocs tout autour de nous. C'était notre campement pour notre seconde nuit. C'était aussi l'arrivée face à notre second obstacle majeur : le 30 feet drop! Un ressaut de près de 10 mètres!

Le lendemain matin après le petit déjeuner Franck étudia le terrain pour décider de l'option à prendre pour franchir cette muraille. Les indiens ont astucieusement taillé des renfoncements dans la falaise, « les moqui steps », pour trouver un appui en descendant le mur vertical. Franck avait pris ses précautions et avait emmené des cordes d’un vieux parachute qui ne lui servait plus. Leur solidité n'est plus à démontrer. J'avoue que je voyais avec angoisse le moment où je devrais me lancer telle une araignée le long de la falaise suspendu à la force des poignets au dessus du vide.

La chance fut avec nous! Dans son exploration Franck découvrit un tunnel naturel creusé par l'eau sous un énorme tronc d’arbre coincé sous l’impressionnant bloc de rocher qui constitue cette falaise.

Poussant devant nous nos sacs à dos, à plat ventre, c'est tels deux reptiles que nous nous glissâmes sous les tonnes de granit en priant tous les saints de l'univers que notre seul souffle ne dérange pas l'équilibre instable de la masse rocheuse au-dessus de nos têtes, voire quelques confrères à sonnettes qui n’apprécieraient pas d’être dérangés dans leur sommeil!

Au bout de quelques mètres dans l'humidité et la boue nous débouchions à l’air libre, bien vivants. Il nous restait à parcourir un petit kilomètre et demi dans la gorge de nouveau élargie, où des arbres avaient pu résister au courant meurtrier, avant de retrouver la confluence avec la Paria river.

Il était temps. Nous avions bu notre dernière réserve d’eau avec notre petit déjeuner et la soif commençait à nous tenailler.

La précipitation de Franck à nous réapprovisionner en eau fut pour lui fatale ! Il emprunta un chemin le long d'un rocher dont la surface me parut douteuse. En dépit de ma mise en garde et avec son obstination coutumière, il s'y engagea.

Le « schplok » caractéristique de la succion du sable mouvant lui fit comprendre son erreur.

Il lutta pendant plusieurs minutes, sans que je puisse l'aider en quoi que ce soit en dansant d'un pied sur l'autre, enfoncé jusqu'au haut de la cheville dans ce magmas visqueux avant de pouvoir en sortir, les chaussures remplies de boue. Il lui fallut prés d'une demi-heure pour les nettoyer! 

paria13

 

Vers la sortie...

Une fois reposés, fait le plein d’eau filtrée et pris un petit encas, nous entamâmes notre chemin du retour jusqu'à White House Trailhead. Nous passâmes la nuit à deux kms de notre point de sortie. En cours de route une magnifique arche servait d’arc de triomphe à cette superbe randonnée. Le lendemain matin nous étions avant 9h de retour à notre voiture. Une halte à Cameron nous permit de retrouver un succulent repas mexicain. A 19h nous étions à Fountain Hills au dessus de Phoenix. Frank reprenait les commandes de son 737 le lendemain matin vers 6h. Un peu plus tard moi-même m’envolais pour Paris via Dallas.

Ainsi se terminait une fascinante expédition que j'ai refaite en partie en 2002, la tête pleine de souvenirs. Au départ je comptais y passer une nuit, couchant au même endroit qu’en 1993. Après avoir retiré mon permis auprès du ranger, je lui avais demandé dans quel état étaient les deux trails, ayant l’intention de revenir par le Wire Pass le lendemain matin. Pour ce dernier il me mit en garde contre un ressaut d’environ  2m à escalader mais disait-il sans problème en prenant appui sur les parois étroites de la gorge en cet endroit. Pour le trajet aller, il me dit qu’il n’y avait que deux cesspools pouvant poser quelque problème; je suis en short et l’eau me montera au dessus du genou.

En fait de cesspools je devais en dénombrer plus de dix dont deux si profonds que j’avais de l’eau jusqu’à la taille.

A peu de distance de mon lieu de campement,  je me trouvai confronté à une véritable barrière rocheuse. Y monter ne présenta pas de difficultés, mais arrivé au sommet, la hauteur à descendre pour rejoindre le lit de la rivière se trouvait accrue de la déclivité de celle-ci. Des randonneurs étaient entrain de descendre leur matériel au bout d’une corde avant de descendre la petite falaise en rappel. Aurais-je été accompagné cela ne m’aurait pas posé de problème, mais seul cela s’avérait impossible.

 

Entrée du Wire Pass du côté opposé à la confluence avec Buckskin Gulch. 

 

wirepass2

Je décidai donc de rebrousser chemin et de renoncer à passer la nuit dans le canyon. Vue l’heure déjà avancée, je ne pouvais envisager de reprendre le même chemin qu’à l’aller et tentais ma chance par le Wire Pass. Comme indiqué au bout de la moitié du parcours je me vis en contrebas d’un surplomb rocheux de 2m environ. Je déposais mon petit sac à dos sur le sommet de la roche et réussissais tant bien que mal en m’écorchant quelque peu les genoux à me hisser sur le rocher et poursuivais mon chemin. En cours de route j’avais rencontré un autre randonneur qui eut la gentillesse de me reconduire au Buckskin Trailhead pour y récupérer ma voiture.

On le voit Paria Canyon réserve des surprises et même les informations recueillies avant de commencer la randonnée peuvent s’avérer inexactes ou imprécises. Dans ce cas face à un obstacle imprévu il ne faut pas surestimer ses forces et plutôt renoncer que de s’exposer à des risques d’accident grave dans un lieu où l’alerte et les secours n’interviendront qu’après de nombreuses heures d’attente.

wirepass1

Aperçu du Wire Pass affluent droit de Buckskin Gulch

 

The Devil's Cathedral, a journey into the Paria Slot Canyon

On trouvera ci dessus la vidéo de mes deux randonnées de 1993 et 2002 d'une qualité médiocre en raison de l'équipement utilisé et de l'âge des bandes. Si vous souhaitez la visionner merci de me laisser vos coordonnées pour que je vous fasse parvenir par email le mot de passe.

 Cathedral Wash Slot Canyon (2003) 

indicateur en venant de Lee's Ferry

En 2003 j'ai passé 3 semaines chez mon ami Mike Buchheit et sa femme Kim.

En arrivant à Grand Canyon, j'eus la surprise de m'entendre dire par Mike que je serais son assistant pour une randonnée à Phantom Ranch pour accompagner un groupe de séniors dont c'était la 1ere expérience dans ce domaine.

Il me demanda également d’assister un ranger spécialisé dans la photographie qui devait emmener un groupe de membres du GCFI pour un cours d'une journée dans un des magnifiques slots canyon prés de Lee's Ferry entre la nationale et le Colorado. Il s'était blessé à la main, ne pouvait ni conduire ni porter son matériel photographique. Ainsi je bénéficierais d'un cours de photographie gratuit tout en jouant au sherpa et au chauffeur!

C'est avec enthousiasme que je répondis présent à l'appel.

Le malheur a voulu que ma caméra me joue un tour et que la majeure partie du film tourné soit totalement inexploitable. Grand Canyon est intraitable pour ce genre de matériel fragile; la poussière s'infiltre partout et endommage les têtes d'enregistrement et de lecture de manière irrémédiable.

Depuis ce fâcheux incident j'ai pris l'habitude d'enrober ma caméra dans du film transparent utilisé pour passer des mets au micro-onde! Tout sert! Eh oui!

Cathedral Wash se trouve sur  le bas coté droit de la route en allant à Lee’s Ferry, à environ 1.3 mile (2kms) de la bifurcation de la sortie du pont traversant le Colorado. Le canyon doit son nom à la structure rocheuse qui se trouve sur le côté gauche de la route dans les Vermilion Cliffs, The Cathedral (Upper Cathedral photo ci-dessous).

cathedralwashIl faut passer à  gauche du pont, on aperçoit un petit panneau.

En fait il se décompose en deux canyons  Upper Cathedral et Lower Cathedral ; c’est ce dernier que nous avons exploré. .

A noter également que nous sommes ici déjà à l’intérieur de Glen Canyon National Recreation Area (Glen Canyon NRA). Un permis est exigé des randonneurs. Il est cependant interdit de camper  près du Colorado à l’extrémité du Canyon et encore moins dans le canyon exposé au flash floods. On peut par contre aller camper à Lees Ferry. Vous serez surpris aux USA par la confiance qui est faite aux randonneurs. En effet à l’entrée du canyon ou peu avant de l’atteindre, se trouve une boite sur un support avec des enveloppes où vous inscrirez votre état civil et le but de votre randonnée et où vous glisserez le montant demandé pour votre permis. En 2014 j'ai découvert que le système s'était perfectionné par un enregistrement avec sa carte Visa. On n'arrête pas le progrès! Aussi surprenant que cela puisse paraître pour nous autres Européens et surtout Français ayant l’art consommé de tricher, la très grande majorité des  randonneurs américains se plie sans problème à cette exigence.

Les habitants du coin appellent également la formation rocheuse supérieure «  the tooth », la dent (photo ci-dessous).

 

thecathedral

Le canyon inférieur à une longueur de 2.3 kms et un dénivelé de 113m soit une pente moyenne de 5% environ. A noter que l’on doit négocier ce que l’on appelle des « drop off » ou ressauts. La prudence s’impose car pour les descendre on doit se mettre dos au vide, sac à dos oblige, et se déplacer de biais le long des corniches étroites séparant les strates les unes des autres. Certaines sont légèrement en surplomb de la corniche inférieure rendant donc le passage encore plus étroit. Il faut également faire attention aux éventuelles chutes de pierre et à la surface friable des corniches aussi bien en se tenant à celle supérieure qu’inférieure à soi. Cet endroit n’est pas très recommandé pour une ballade avec des enfants encore une fois enclins à courir sans se méfier des dangers. Un accident est vite arrivé.

L’entrée du canyon (photo ci-dessus), est à peine visible car sous un pont prés d’un parking de dégagement de la route. On doit descendre sur le talus à la droite du pont en regardant vers l’aval et on atteint ensuite quelques mètres plus loin le lit de la rivière facilement accessible car n’étant pas encore entré dans le canyon proprement dit que son courant à contribuer à façonner. 

Arrivé à l’extrémité du canyon on se trouve alors sur une petite plage qui pourrait bien être inondée lors des délestages du barrage de Glen Canyon. On est au bord de Cathedral rapid au mile 3 du fleuve en partant de Lees Ferry. C’est un lieu idéal de piquenique tout en observant en début de matinée les rafts entamant leur descente du Colorado. Il faut compter environ 3 heures pour faire l’aller et retour en prenant son temps pour filmer ou photographier.

Publicité
Publicité
Commentaires
Symphonie Minérale
  • Conseils et Guide de randonnées dans Grand Canyon National Park pour en profiter totalement sans prendre de risques et s'exposer à des dangers ou être en infraction avec les autorités du parc.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Pages
Publicité